À la fin d'une présentation de GTD donnée récemment à un collège de décideurs d'une société multinationale, l'un des pontes m'a posé la question qui le taraudait depuis le début : "avec tout ça, je ne sais toujours pas à quoi ressemble ma journée type". C'est normal. (suite…)
[dropcap style="font-size:60px; color: navy;"]C[/dropcap]e n'est un secret pour personne que les tâches que l'on fait sans réfléchir sont celles qui ont le plus de chances d'être effectuées régulièrement. Dans cette optique, on tente souvent de mettre en place des habitudes, des routines. La méthode GTD®, par exemple, nécessite la mise en place de nouvelles habitudes, et une certaine dose d'auto-discipline. Pour autant, tout le monde peut le faire, de la même manière que tout le monde, ou presque, (devrait pouvoir) se brosse(r) les dents tous les jours.
Il ressort fréquemment des séances de formation ou de coaching une inquiétude par rapport à ceci d'autant que, souvent, les gens qui ont tenté de mettre en place la méthode par eux-mêmes sont "tombés du wagon", comme on dit chez David Allen, et sont un peu échaudés. Cette inquiétude est en relation directe avec quelque chose de plus intime que du simple "travail". Ce qui est normal selon moi, car, en fin de compte, il s'agit avant tout de gérer quelque chose de très humain : nous-mêmes. Certaines personnes n'ont aucun problème avec les routines et les procédures (j'avoue en être), d'autres préfèrent conserver un certain degré d'incertitude (ou de "liberté", comme ils disent -ceci du point de vue du routinier que je suis), et il existe encore une autre catégorie de personnes qui préfèrent pouvoir mettre leur calendrier sens dessus-dessous au besoin ("souplesse", paraît-il !).
A mon sens, toutes ces approches sont valables. Par contre, vous devez savoir où vous vous situez. Vous forcer à mettre en place des routines si vous êtes allergique à toute forme de répétition est une fausse bonne idée : cela ne fera que vous stresser et vous culpabiliser, vous n'arriverez pas à faire ce que vous aviez prévu, vous aurez le sentiment d'avoir rompu l'accord pris avec vous-mêmes... alors que ce n'est tout simplement pas, pour commencer, le genre d'accord que vous devriez prendre. D'un autre côté, je pense (du moins, j'espère) que tout le monde se douche au quotidien si l'occasion lui en est donnée. Comment expliquer, dès lors, que les gens allergiques aux routines y parviennent ? Cela dépend simplement de votre motivation et de votre réel désir d'intégrer la routine dans votre vie. Je ne suis pas vraiment behavioriste, je pense que ce que nous faisons vient davantage de l'envie que l'on a que du comportement, et qu'il suffit de changer la première pour modifier le second (dans l'autre sens, pour ce qui est des routines, ça marche moins bien). Concernant la fameuse Révision Hebdomadaire (Weekly Review), la plupart des gens semble penser qu'il faut la faire, quoi qu'il advienne, à la même heure du même jour toutes les semaines (le vendredi après-midi arrive en pole position, suivi du dimanche). Et pourtant, il n'y a aucune raison. A ma connaissance, David Allen n'a jamais professé cela, bien qu'il nous invite à programmer cette révision. Alors, comment faire, au final ?
Honnêtement, ça dépend de chacun. Personnellement je suis routinier. Mais lorsque je rencontre des clients qui ne le sont pas, je les invite à programmer leur révision chaque semaine au moment qui leur semble le plus approprié pour cette semaine-là. Pourquoi toujours choisir le vendredi après-midi, si vous savez d'ores et déjà que vous ne pourrez pas vous y tenir pour quelque raison que ce soit ? Regardez votre semaine, programmez votre révision (oui, à un moment, quand même, il faut la programmer). Lorsque la semaine suivante arrive, programmez-la de nouveau pour le moment où vous savez que vous pourrez la faire. Ne vous obligez pas à avoir une routine fixe. Testez, notez vos impressions, adaptez la méthode à votre rythme et à vos journées, et pas l'inverse. Et il se pourrait bien, au fil du temps, que vous trouviez finalement un moment dans la semaine où vous parvenez mieux à faire cette révision. Un moment où, la plupart du temps, vous avez l'énergie et le temps nécessaire disponibles... Auriez-vous réussi, finalement, à en faire une routine ?
[dropcap style="font-size:60px; color: crimson;"]J[/dropcap]'ai eu, il y a quelques années, une petite révélation que je me permets de partager ici. Alors que je méditais à propos du temps, j'en suis venu à réaliser que, non seulement le temps en soi n'existe pas (mais c'est un autre sujet...), mais qu'il est inexact de dire qu'on "a" du temps, ou qu'on peut en opérer la "gestion". On n'"a" pas de temps, on ne "gère" pas le temps. Et je pense qu'il est vraiment important de faire attention aux mots qu'on utilise, car ils peuvent nous donner la fausse impression, en l'occurrence, qu'on pourrait faire 9 heures avec 5. La seule chose que l'on peut faire, c'est CHOISIR quoi faire durant un temps prédéfini, identifié. C'était ma première étape.
Très honnêtement, rien de nouveau sous le soleil. David Allen dit d'ailleurs exactement la même chose dans son livre, dont vous trouverez la citation reprise sur notre page dédiée à la formation GTD®). Ainsi donc, j'avais compris, intellectuellement, qu'il y avait un certain niveau de responsabilité personnelle dans la manière d'utiliser son temps. Pour autant, je prenais toujours aussi peu cette responsabilité. Jusqu'à ce qu'un jour, quelque temps après, alors que j'étais en mode auto-coaching, je finisse par écrire mon blocage en une phrase : "j'ai du mal à prendre la responsabilité d'utiliser mon temps". Et au moment de biffer les mots que je souhaitais éliminer de l'équation (oui, c'est une technique de coaching), ma propre solution m'est apparue : "prendre mon temps", dans un sens littéral.
Depuis ce moment, j'utilise toujours "prendre du temps pour", au lieu de "avoir du temps pour", car cela indique à mon cerveau, à un niveau plus ou moins conscient, qu'il existe une ressource nommée "temps" à ma disposition, qui peut se diviser en certains montants qu'il ne tient qu'à moi de "prendre" pour ceci ou cela. En le "prenant", je m'oblige (en l'acceptant bien volontiers) à réellement définir quoi faire avec. Et puis, ça conserve le côté festina lente sympathique.
Mais le bénéfice principal de ce petit changement de vocabulaire, c'est qu'il me rend le pouvoir d'endosser mes responsabilités pour tout. Essayez un instant de reformuler "Désolé chéri(e), je n'ai pas eu le temps de faire ça" en "désolé chéri(e), je n'ai pas pris le temps de faire ça", et vous sentirez immédiatement la nuance, peut-être pas si agréable, mais beaucoup plus vraie, qui vous engage à définir très précisément vos choix à l'avenir... surtout avec votre moitié !