Pro

et

Serein

Ma cliente était enthousiaste. Le coaching avait très bien démarré, les différentes étapes s’enchainaient bien et elle réussissait sans trop de souci à adapter la méthode à son univers. Jusqu’à ce moment où elle s’arrêta net. L’œil soudain fixe, les bras refermés sur son corps, le dos légèrement en retrait. Et la voix blanche :

« Elles sont dingues, vos listes »

Je laissai passer un temps.

« Jamais je n’arriverai à gérer tout ça, c’est n’importe quoi. Personne ne peut gérer tout ça ».

Encore un temps avant ma réponse, la plus bienveillante possible, qui fut la suivante : « ce ne sont pas mes listes. Ce sont les vôtres… et ce ne sont pas vos listes qui sont dingues… »

La fin de la phrase se lisait dans son regard « … c’est ma vie. ».

Nous utilisons beaucoup de listes dans la méthode GTD. La plupart des personnes en ont une dizaine en moyenne. C’est un reproche qui est souvent fait à la méthode par qui s’est découragé avant d’aller au bout.

Mais ces listes ne sont que le reflet de la réalité.

Elles contiennent toutes les prochaines actions qui sont les vôtres, du simple fait que vous soyez en vie et que vous ayez la vie que vous avez accepté de, ou cherché à, avoir.

Elles contiennent tous les résultats que vous souhaitez atteindre pour vous-mêmes ou que d’autres personnes attendent de vous, du simple fait que vous ayez le métier qui est le vôtre, avec les obligations qui sont les vôtres, aux niveaux personnels comme professionnels.

Elles contiennent tout ce dont vous êtes en attente de la part des autres, du simple fait que vous en ayez besoin pour continuer vos propres affaires ou que vous leur ayez demandé un résultat nécessaire pour vous.

Elles contiennent enfin tous vos engagements pris dans le temps, maintenant et à venir. Et même tout ce qui peut potentiellement vous intéresser de faire un jour, peut-être.

Ça peut faire beaucoup.

Beaucoup donc se découragent devant ces listes alors qu’elles ne font que leur mettre devant les yeux tout ce qu’ils ont accepté de prendre en charge. Comme si le simple étalage de tous leurs engagements soudain mis en exergue, devant leurs yeux, indiscutables, factuels, présents, leur tombait sur les épaules.

J’ai même parfois l’impression, lorsque je demande aux gens de faire ces listes, qu’ils découvrent des choses. Alors qu’on ne fait que les déterrer.

Oui, ça peut faire beaucoup. En fait, je peux même vous dire combien, par retour d’expérience, suite à l’observation d’un nombre conséquent de clients : entre 150 et 250 prochaines actions concrètes à entreprendre, qui concourent à l’atteinte d’environ 40 à 100 résultats (en combinant vie personnelle et vie professionnelle).

Quand j’annonce ces chiffres, peu de gens les acceptent. Soient qu’ils n’y croient pas (jusqu’au moment où, avançant dans notre travail, ils s’aperçoivent qu’ils commence à les atteindre), soient qu’ils ne réalisent pas vraiment ce que ça représente.

Peu les acceptent froidement. Pourtant, ne pas écrire ces prochaines actions ni ces projets ne les fait pas disparaître pour autant. Ça les met juste sous le tapis. Mais il faudra bien les faire, à un moment.

Quelle meilleure option, alors ? Avoir une série de listes qui les contient tous, à partir desquelles vous pourrez choisir en confiance d’agir sur ce qui mérite le plus votre attention dans l’instant, dont vous savez que cela provoquera le meilleur impact puisque vous avez pu le comparer à toutes les autres ?

Ou bien les garder sous le tapis, continuer à fonctionner avec une seule liste incomplète qui ne contient que des mots-clés et nécessite de définir ce qu’ils veulent dire à chaque lecture ; et une boite pleine d’emails qui nécessitent d’être relus encore et encore pour déterminer ne serait-ce que s’il est possible de s’en occuper maintenant ? Et accepter que cela vienne nous réveiller la nuit ?

Exactement.

Nos listes, dans GTD, sont un reflet exact de nos engagements à l’instant présent. Tout y est. C’est ce qui nous permet d’avoir confiance dans l’emploi de notre temps. C’est aussi ce qui nous permet de discuter l’ajout de nouveaux engagements férocement, car nous avons une vision exacte de notre charge de travail réelle. Et c’est ce qui nous permet de ne plus tout accepter.

Le seul moyen d’avoir une vie qui vous permette de faire ce que vous souhaitez sans que vos engagements, tâches et projets ne vous la mange, c’est de faire ces listes. Si vous ne voulez pas que votre vie soit dingue, vous avez besoin de ces listes.

Ma cliente ? Elle a fini son coaching. Et elle adore ses listes.

La Prochaine Action est un concept fondamental dans GTD et la plupart des gens ont souvent l'impression d'être familiers de la chose. Après tout, "casser les grosses pierres en petits cailloux" est une phrase qu'on entend depuis pas mal de temps, qui tend à dire la même chose. On pourrait penser que cette familiarité de concept est une aide pour comprendre GTD, et ça l'est dans une certaine mesure, mais c'est aussi un frein dans la mise en pratique. Or, GTD est avant tout une pratique.

Le fait de scinder une grosse tâche en tâches plus petites a du sens pour tout le monde. On se doute bien que "Organiser les jeux Olympiques" recouvre en soi une myriade d'actions, et qu'il faudra bien toutes les faire pour atteindre notre résultat, donc autant les identifier à l'avance. Ainsi, lorsque je mentionne le concept de prochaine action comme étant la "prochaine action simple, concrète, physique et visible, qui fait avancer la situation ou le projet" (définition officielle svp!), j'ai la plupart du temps face à moi des acquiescements conquis. Le problème se pose lorsque je regarde par la suite les listes de prochaines actions de mes stagiaires.

En apparence, ce sont bien là des actions, et on peut supposer que ce sont bien les prochaines à mener. Il n'y a rien d'autre à faire avant : la personne a le téléphone de Stéphane, les emails sont bien dans l'inbox, le dossier impôts est accessible en moins d'une minute. Pour autant, ces listes ne sont pas tellement plus efficaces que celles qu'on fait lors de la phase de Capture pour une raison très simple : elles manquent de précision.

Pourquoi vouloir appeler Stéphane ? Qu'est-ce que ça veut dire exactement, "faire mes emails" ? Pourquoi relire le dossier impôts ?

Quand on trouve la prochaine action, sur le moment, on peut répondre sans problème à ces questions car tout le contexte est encore bien présent à l'esprit. Le problème survient lorsqu'on regarde cette liste 5 jours après avoir identifié ces actions : noyées au milieu de toutes les autres, on ne sait plus trop exactement ce qu'on voulait faire. Certes, on peut retrouver le contexte rapidement, mais c'est un effort cognitif que notre cerveau tentera par tous les moyens d'éviter de faire. Et donc, on regarde ces actions, on soupire, et on passe à autre chose ("pourvu qu'il y ait un imprévu, que je n'ai pas à me poser la question de savoir quoi faire"...).

Souvenez-vous, GTD est la méthode des vrais fainéants, ceux qui veulent le meilleur impact pour le moins d'effort (comme notre cerveau). Quand on en vient à définir nos prochaines actions, l'effort qui apporte le plus gros impact va être de qualifier davantage l'action au moment où on la pose sur nos listes, pour n'avoir aucun effort mental à (re)faire quand on la consultera. Autrement dit, n'hésitez pas à détailler vos actions !

Franchement, qui trouve ça plus confus que la liste précédente ?

Ce qui se passe lorsque l'on remplit nos listes de prochaines actions, en vrai, dans GTD, c'est que l'on se délègue à soi-même des actions à réaliser dans le futur. Il est donc tout à fait possible de détailler au maximum ces actions comme s'il s'agissait d'une délégation à quelqu'un d'autre (la personne que vous serez à ce moment-là). Une liste de prochaines actions bien conçue doit pouvoir être comprise par n'importe qui (et faite par toute personne qui a les mêmes compétences métier que vous), sans besoin d'explication plus avant sur le contexte. Même si je ne connais rien au projet XY, je peux appeler ce Stéphane pour lui dire qu'il peut démarrer et m'envoyer son rétroplanning. Je peux aussi écrire un email à Mark, que je ne connais pas du tout, pour lui dire qu'il est impossible de négocier sans garantie sur le projet ZA. Je peux consulter le dossier impôts de n'importe qui pour lister les déductions possibles (pour peu que les déductions soient bien rangées dedans...). Impossible de faire cela avec le premier type de liste.

Faites-en votre critère. Pour prendre cette habitude au début, détaillez vos prochaines actions puis aller voir quelqu'un et demandez-lui simplement : "est-ce que tu comprends ce qu'il faut faire ?". La réponse devrait être positive (attention, on ne lui demande pas "es-tu capable de le faire"). Souvent, la personne devrait même pouvoir vous regarder avec des yeux ronds en se disant "ça va, je sais lire".

Plus vos listes seront précises, moins votre cerveau devra fournir d'effort pour comprendre ce qu'il doit faire ou s'en rappeler, et plus vous aurez de chance d'effectivement faire ce qui se trouve sur vos listes quand ce sera le bon moment. Évidemment, quand je donne ces exemples les participants me regardent avec des yeux écarquillés et j'entends leurs cerveaux murmurer "mais ce mec est malade, si je commence comme ça je n'aurai jamais fini". Je concède bien volontiers que ça prend un peu plus de temps sur le moment, et que ça paraît parfois un overkill. Pourtant, je peux vous assurer que si vous ne le faîtes pas, ce sont vos listes que vous n'aurez jamais fini. Franchement, qui a envie de se mettre à "faire ses emails" plutôt que juste répondre à Mark qu'il n'est pas d'accord pour négocier sans garantie sur le projet ZA ? Plus vous serez précis, moins vous vous poserez de questions, plus vous verrez exactement ce qu'il faut faire et plus ce sera facile pour vous de prioriser les choses les unes par rapport aux autres. Pour ceux qui travaillent en Holacracy, c'est même le meilleur moyen de passer d'un Rôle ou d'un projet à l'autre, mais ce sera l'occasion d'un prochain billet.

En bon praticien GTD, vous avez une liste de choses que vous aimeriez faire, un jour, peut-être. La fameuse liste « Un Jour / Peut-être » qui porte bien son nom. Sur cette liste, vous mettez toutes vos bonnes idées, vos envies et désirs à plus ou moins long terme, d’importances différentes. De la visite au spa du coin de la rue à ce voyage au Machu Picchu, en passant par votre département que vous aimeriez bien passer en Holacracy (pourquoi pas !).

La liste des envies et des bonnes idées

Si la plupart des personnes sépare cette liste en « privé » et « pro », nombreuses sont celles qui ne savent finalement pas trop quand revoir ces listes, qui contiennent tant d’intervalles de temps différent, sur tant de sujets disparates, qu’elles en deviennent peu attirantes(voire confuses, ce qui est l’opposé de la méthode). La check-list de la Revue Hebdomadaire indique bien une étape pour revoir la UJPE, mais dois-je vraiment revoir toutes les semaines le voyage au Machu Picchu, qui a priori ne risque pas de se faire dans l’année qui vient ?

La réponse, comme souvent avec GTD, est « ça dépend ». Ça dépend de votre niveau de confort avec l’idée de revoir ce qui se trouve sur cette liste à différents intervalles. Certaines personnes ont besoin de revoir certaines choses plus souvent que d’autres pour finir par agir dessus à un moment, d’autres peuvent laisser de côté leur liste UJPE pendant 6 mois avant d’y jeter de nouveau un œil, parce qu’elle ne contient rien pour eux qui mérite de la revoir avant.

Par sujet ? Par intervalles de temps ?

Ceci étant dit, il est possible bien entendu d’envisager ces listes selon différents points de vue : vous pouvez classer votre liste Un Jour / Peut-être par sujets (entreprise, asso, vie perso…), par échelles de temps (à 3 mois, à 6 mois, à 1 an…), voire une combinaison des deux si c’est ce qui vous semble le plus pertinent. La méthode GTD vous invite à consigner dans un endroit précis tout ce que vous aimeriez faire un jour peut-être, mais libre à vous ensuite d’organiser cela comme il vous chante. Le point important de cette liste, outre le fait d’y noter des choses, c’est de la revoir. Si vous ne la revoyez jamais, vous avez simplement créé une poubelle supplémentaire, et vous conservez autant de tâches de fond dans votre cerveau qu’il y a dessus d’éléments que vous ne revoyez pas assez souvent. C’est dommage. Donc, on remplit cette liste, et on la revoit. Les différentes subtilités que vous pratiquerez dessus ne regarde que vous.

Ainsi, j’ai des clients qui ont des UJPE « pro - 3mois » qui font partie de leur Revue Mensuelle (oui, il existe une Revue Mensuelle dans GTD, je pourrai vous en parler dans les commentaires si vous le souhaitez), une autre « perso - 2 ans » à revoir tous les ans. L’avantage de procéder ainsi c’est que vos listes UJPE prennent d’un coup tout leur sens fonctionnel : ce ne sont plus des garages que vous rouvrez par hasard, ce sont de vraies listes de bonnes idées que vous vous autorisez à mettre en place quand le moment sera venu, car vous les revoyez aux intervalles pertinents. Vous savez qu’en agissant ainsi vous serez rappelés de cette bonne idée à un moment suffisamment pertinent pour vous permettre d’en faire un projet.

Pro et Serein est un podcast animé par
In Excelsis
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