C’est une question qui revient assez souvent lorsque les praticiens GTD, désormais confortables dans leur utilisation des fondamentaux de la méthode, découvrent et mettent en application les Horizons d’attention, et notamment les zones des responsabilité :
« Est-ce que je dois relier mes projets à mes zones de responsabilité ? »
Si vous avez l’esprit classificateur, c’est aussi une impulsion que vous avez dû ressentir. Et d’ailleurs, la question se pose aussi à tous les nouveaux venus à la méthode, qui souhaitent relier leurs prochaines actions à leurs projets. Et sont désarçonnés quand on leur dit que, s’ils veulent, ils peuvent, mais ce n’est pas la peine.
Car il en va de même pour les projets et les zones de responsabilité. La réponse courte est donc : « si vous voulez, mais ce n’est pas la peine ».
La réponse longue explique pourquoi.
Commençons par les actions et les projets. Souvent le besoin de relier l’un à l’autre a à voir avec la sécurité : la peur de « perdre » une action, de ne plus savoir à quelle projet elle appartient, si on ne l’y relie pas.
Cela tient aussi au fait que nous avons été élevés dans l’habitude de travailler les projets un par un, et que donc nous avons en général les actions enfouies quelque part dans un projet, qu’il faut donc bien consulter pour les déterrer et pouvoir les faire. Mais nous savons qu’elles y sont.
Et nous avons pris cette habitude car, pendant longtemps, ce n’était pas tellement la peine d’en faire plus. On pouvait s’en sortir comme ça.
Or ça ne tient plus de nos jours, principalement à cause du volume de choses à traiter.
Dans la méthode GTD, on mentionne un point important, qui est souvent ignoré par les nouveaux venus car il semble un peu « surdimensionné », superflu, injustifié. Ce point, c’est le fait de rédiger les actions avec des verbes d’action, et de qualifier le plus possible l’action à mener.
C’est la différence entre « appeler Paul » et « appeler Paul au 01 23 45 67 89 pour commenter le dossier XY ».
La seconde façon est négligée car, sur le moment, elle apparaît comme couper les cheveux en quatre, et trop consommatrice de temps. Or, c’est tout le contraire dans les faits.
La seconde option vous permet de ne plus avoir aucun ambiguïté quelle qu’elle soit lorsque vous lirez cette action dans deux semaines, au milieu de tous les autres appels que vous avez à passer. Alors que la première vous trouvera pensif (« Paul ? Je lui voulais quoi déjà, à Paul… ») le temps de refaire le chemin (que parfois, on ne retrouve pas).
Au delà de la praticité qu’il y a à lire une action qui ne laisse aucune place à l’interprétation quant à ce qu’il s’agit de faire, cela rend également obsolète le besoin de relier l’action à son projet.
Magie. Eh oui, le projet est, quelque part, déjà indiqué dans l’action elle-même (« le dossier XY », si vous suivez).
Si vous phrasez correctement votre prochaine action, en lui donnant les détails nécessaires à une bonne compréhension de ce dont il s’agit et de comment le faire, vous n’aurez absolument pas besoin de la relier à son projet car il sera évident pour vous qu’elle lui appartient.
Une bonne astuce est de considérer, ou réaliser, qu’une action bien écrite ne doit pas tant dire « quoi » faire que « comment » le faire.
Il en va de même des projets et des zones des responsabilités. Si vous phrasez correctement le résultat à atteindre, de manière à ce qu’il ne laisse pas le champ à l’ambiguïté, vous n’aurez pas besoin de savoir à quelle zone il appartient.
« Le plombier est payé (lavabo) » par exemple, rentre assez bien de lui-même dans ma zone « Maintenances persos » sans que j'ai besoin de l’y relier. Le projet « Tim est inscrit au Conservatoire (2c3) » est tout aussi clair quand à la zone à laquelle il appartient. « Le stagiaire de la société YXZ est formé à la Communication Empathique » ou « La société ABC est passée en Holacracy » de même… vous avez l’idée.
Si vous sentez le besoin de relier les choses entre elles, c'est pour qu’elles conservent ou retrouvent un sens qu'elles ont perdu séparément. Il s’agit, en GTD, d’inscrire ce sens dans l’intitulé même de la chose dont on veut qu’elle le conserve.
En somme, ce qui relie une action à un projet, ou un projet à sa zone de responsabilité, c’est vous… pour peu que vous vous donniez le moyen à votre « futur vous » d’établir ce lien de façon évidente la prochaine fois qu’il lira l’intitulé.
Les Horizons d’Attention sont un des outils méconnus de la méthode GTD. La plupart du temps la mise en place de la méthode commence par les fondamentaux, c’est-à-dire la reprise du contrôle sur les actions quotidiennes, puis remonte au niveau des résultats qu’on cherche à atteindre avec ces actions (ce qu’on appelle un projet). Le chemin pour arriver jusque là est souvent déjà si ardu que la plupart des personnes n’aborde pas les horizons plus élevés. Il y a pourtant beaucoup à gagner à y aller. Ce n’est pas juste un luxe dans la méthode.
Je vais m'attarder aujourd'hui sur l’horizon 2, celui des Zones de Responsabilités, car c’est l’un des plus importants (sinon le plus important, suivant comment vous êtes « câblé » à l’intérieur). En effet, si les Horizons sont tous interdépendants, celui-ci peut être valablement considéré comme le pont entre les horizons du dessus et ceux du dessous. Par ailleurs, sa nature peut paraître un peu différente étant donné son rapport au temps, mais nous y reviendrons plus tard.
En quelques mots, cet horizon est constitué de vos responsabilités, c’est-dire des différents rôles que vous avez (choisi d’avoir) dans la vie. Il y a vos rôles professionnels, qui correspondent plus ou moins à votre fiche de poste (souvent augmentée de ce que vous faites en réalité). Il y a également vos rôles personnels : papa, maman, fils ou fille, amis et amies, la chorale du coin, le conseil des parents d’élèves, etc. Bref, tous les engagements que vous avez pris dans votre vie. Tous ces engagements sont donc autant de responsabilités, en ce sens que ce sont des choses dont vous avez accepté qu’on vous tienne redevable, ou bien que vous souhaitez par vous-mêmes occuper.
Il peut y en avoir beaucoup.
Le premier intérêt de cet horizon est donc de vous permettre de cartographier l’intégralité de vos engagements en termes de responsabilités (et non en termes de résultats à atteindre, qui caractérise l’horizon des projets). Ce travail est nécessaire pour vous aider à avoir la vue d’ensemble de tout ce qui se passe dans votre vie en ce moment. C’est un bon moyen de réguler l’équilibre pro-perso, ou de prioriser vos activités. C’est un excellent outil aussi pour toute personne en phase de transition (établir les anciennes responsabilités puis les nouvelles pour « tracer » la route qui conduit des unes aux autres).
Un second intérêt réside dans la communication réalisée de fait entre les horizons du bas (actions et projets) et ceux du haut (buts, visions et raisons d’être -nous verrons pourquoi le pluriel). Ce rôle de pont est essentiel si vous avez à cœur de garder du sens à vos actions et vous assurer que vos activités quotidiennes sont bien alignées avec la personne que vous voulez être dans le monde (oui, on peut aller aussi loin que cela si on veut). Alors, comment ça marche ?
Si vous réalisez la cartographie de vous responsabilités personnelles, vous allez obtenir quelque chose qui ressemble à la carte mentale ci-dessous (vous pouvez faire la même chose au niveau professionnel pour avoir l'inventaire exhaustif).
Quant on pratique la méthode, on voit assez rapidement qu’en effet, les projets dépendent des responsabilités acceptées ou choisies, lesquels projets engendrent des actions pour pouvoir être réalisés. Ainsi, tout ce que vous faites en termes d’actions ou tous les résultats que vous cherchez à atteindre appartiennent à l’une ou l’autre de vos responsabilités. Si je vous enlève la responsabilité, vous n’aurez plus rien à faire du projet (ce point est particulièrement saillant si vous travaillez en Holacracy).
Ce qu’on voit moins en général, c’est comment cela s’articule avec les horizons du dessus.
L’Horizon 3, par exemple, est celui des buts et objectifs, c’est-à-dire des résultats à moyen termes (disons 1 à 3 ans) que vous souhaitez obtenir et qui nécessitent déjà de commencer à y travailler. La plupart du temps, et surtout de nos jours en entreprise avec l’accélération impressionnante de ces dernières années, si vous demandez aux gens ce qu’ils souhaitent d’ici 1 à 3 ans, vous obtenez un silence perplexe… Et à raison, car posée ainsi la question est très vague. Vous pourrez avoir bien davantage de précision si vous reprenez cette question en l’appliquant non pas à votre vie (pro ou perso) en général, mais à chacune des zones de responsabilité.
Vous êtes parent d’une petite fille de 5 ans. Très bien. Qu’est-ce que cela veut dire pour vous à 3 ans ? Quel parent souhaitez-vous être vis-vis de votre enfant d’ici 3 ans ? Y’a-t-il des choses à améliorer, à changer, à conserver ? Et vis-à-vis de votre conjoint, comment imaginer vous vos relations sur ce même intervalle ? Et maintenant, professionnellement, vous êtes chef de service, mais qu’est-ce que cela devrait être, à votre avis, d’ici 3 ans ? Comment serait-il souhaitable que votre poste évolue durant cet intervalle ?
On voit que les déclinaisons sont nombreuses, et je pense qu’à la lecture vous avez ressenti qu’il était quelque part plus aisé (et souvent plus motivant) de répondre à ces questions dans ce cadre, plutôt qu’un « dans ta vie » général. Autrement dit, les Zones de responsabilité sont réellement une source potentielle d’améliorations professionnelles et personnelles très importantes et fournissent un cadre très créatif pour cela.
Bien entendu, il ne s’agit pas de fixer les choses dans le marbre. Ces réflexions vous donneront des directions mais vous verrez bien que la vie vous enverra plein d’autres choses. Simplement, si vous souhaitez réellement garder un cap sur le long terme, cet outil est indispensable.
De la même manière, si je m’intéresse à l’Horizon 4, celui de la vision, qui rassemble ce que vous envisagez à long terme (une dizaine d’années), je peux également réfléchir à cela en partant de mes zones de responsabilités. Le résultat de cette réflexion sera bien entendu plus large de fait, mais tout aussi créatif. Quel père ai-je envie d’être dans dix ans ? On voit bien que cette question va au-delà de mon simple rapport à mes enfants, elle englobe aussi la personne que j’aimerais devenir (ou être, comme le souligne Hildegarde von Bingen, « devenir ce que nous sommes ») pour correspondre à ce rapport dans ce laps de temps.
Travail qui peut, si on le souhaite, se décliner aussi au niveau de la raison d’être. Quelle est la raison d’être de « moi-parent » ? Quelle est ma raison d’être professionnelle, au delà de mes activités à quelques mois ? Etc, etc. Vous comprenez pourquoi le pluriel…
Revenons à nos Zones de responsabilité de départ. Cet horizon, comme on le voit, est celui des standards à maintenir, de ce qui nous intéresse de faire ou de gérer.
Une fois ces zones établies, le chemin vers le court terme est presque évident, et souvent plus familier des praticiens GTD pour les rayons que j’évoquais en début d’article. Vous êtes parent, très bien. Quels résultats cherchez-vous à produire, ou de quels résultats êtes-vous redevable, dans ce domaine ? Y’a-t-il quelque chose de précis à faire (inscrire mon fils au conservatoire, développer son sens du partage…) ? Vous voilà redescendu à l’Horizon 1, celui des projets, des résultats à atteindre.
Et pour atteindre ces résultats, il faudra bien faire des actions (prendre rendez-vous avec la conseillère pédagogique du conservatoire…), seul moyen d’atteindre un résultat dans le monde dans lequel nous vivons.
Ainsi, il est tout à fait possible, et relativement habituel pour qui pratique l’horizon 2, de prendre des décisions, de prioriser le quotidien à partir des responsabilités (et non des projets).
Autrement dit, lorsqu’on a réalisé ce travail, il devient presque facile d’aligner un désir à 10 ans avec une action quotidienne. En tout cas il devient aisé de voir si nos actions quotidiennes contribuent bien à nos envies de vie.
Ce travail n’est évidemment pas à faire toutes les semaines, et d’ailleurs certaines personnes ne le feront jamais de toute leur vie et c’est très bien aussi. Mais si vous souhaitez pouvoir vous projeter, être acteur plutôt que suivre le cours des choses, c’est un travail d’une valeur inestimable.